Des consultations aux prix inclusifs, voici des propriétaires de salon qui se rallient au mouvement non genré.
L’égalité des sexes continue d’être un défi dans l’industrie de la beauté. Comme elle emploie un large éventail de talents créatifs, il est presque archaïque pour les salons de continuer d’utiliser des barèmes traditionnels pour hommes et femmes.
« Les prix fondés sur le genre m’ont toujours semblé étranges », déclare Jenn Ghaney, propriétaire de The Seahorse Salon à St. John’s, NL. « Pourquoi établir une norme où on distingue les coupes pour hommes et pour femmes, alors que les gens demandent souvent la même coupe ? »
Faire une différence
Travaillant dans l’industrie depuis plus de 20 ans, Jenn a décidé d’ouvrir son salon il y a cinq ans pour apporter des changements qu’elle ne voyait pas ailleurs. « Au départ, nous voulions offrir des coupes non genrées pour créer un environnement plus sûr pour tout le monde, en particulier la communauté des jeunes LGBTQ +, raconte-t-elle. Pour les stylistes, un barème qui s’éloigne des inégalités entre les sexes est tout simplement plus logique. Plutôt que de ne faire que des coupes d’hommes ou de barbiers, et que le personnel demande de faire plus de coupes de femmes (plus chères), facturez en fonction du temps. »

Si vous n’avez pas entendu parler des prix neutres, ils sont basés sur la longueur des cheveux et le temps qu’il faut pour les couper plutôt que sur le sexe du client. Par exemple, une coupe courte serait tarifée selon le temps qu’il faut pour la réaliser, qui peut varier entre 15 et 30 minutes, tandis qu’une coupe pour les cheveux plus longs prendrait plus près d’une heure.
« Je ne peux pas imaginer les choses autrement, ajoute Jenn. Il est très facile de présenter les directives sur la facturation en fonction de la longueur et du temps, et d’inclure cette information dans votre système de point de vente et sur votre site Web, ce qui facilite la discussion avec les clients. Et en fin de compte, cela aide tout le monde à gagner plus d’argent. »
Comme de nombreux clients ont laissé pousser leurs cheveux pendant la pandémie, Jenn explique qu’un barème où le coût est basé sur la longueur et le temps plutôt que le sexe semble opportun. « Les gens valorisent le temps des stylistes plus que jamais. »
Bien qu’un barème non sexiste soit une étape, il est également important de penser à offrir aux clients une expérience plus inclusive au salon.
« Faites attention à votre langage, poursuit Jenn. Éduquez votre équipe sur le langage adéquat à utiliser, parce que si vous créez un espace plus sûr mais que vous demandez par exemple à une femme si elle aimerait quelque chose qui se rapproche d’une coiffure d’homme, ça peut insinuer que si elle veut tout simplement des cheveux plus courts, elle veut quelque chose de plus “ masculin ”. Le bon langage est important, tout comme la sensibilisation des membres de votre équipe, ce qui aidera tout le monde à mieux communiquer avec les clients. »
Et quand on reçoit des clients qui s’identifient comme non binaires (les gens qui préfèrent utiliser les pronoms iel/iels), Jenn dit qu’il est primordial de ne pas les étiqueter. « Certaines personnes non binaires veulent présenter un look plus féminin un jour et un look plus masculin le lendemain, alors envisagez des coupes au style fluide qui permettent toujours d’adopter le style voulu. »
« SI, À TITRE DE PROPRIÉTAIRE, VOUS NE VOYEZ PAS BEAUCOUP DE DIVERSITÉ, VOUS DEVEZ GARDER L’ESPRIT OUVERT ET LIBRE, ET VEILLER À NE STÉRÉOTYPER PERSONNE. »
— JOSHUA BÉLAIR, PROPRIÉTAIRE, STUDIO COIFFURE PA, MONTRÉAL
Prendre position
Joshua Bélair, propriétaire du Studio Coiffure PA de Montréal, a décidé d’acheter son salon en 2017 pour créer un espace intégré et accueillant qui permet à son personnel d’avoir une voix.
« Nous avons remarqué que notre philosophie a commencé à attirer des clients plus ouverts et diversifiés », explique Joshua, qui a lancé les prix neutres en 2019. « Nous nous sentions mal à l’aise de demander à un homme aux cheveux longs de payer les prix des femmes. C’est à ce moment-là que nous avons commencé à élaborer un plan en équipe. »
Ça n’a pas été aussi simple que de changer les prix du genre à la longueur. En fait, Joshua et son équipe ont passé six mois à analyser et classer leur clientèle selon la longueur des cheveux. Le résultat : six catégories allant de XXC à XL.
« Nous avons remarqué que nous faisions beaucoup de coupes de barbier et avions beaucoup des clients aux cheveux super longs, donc il fallait deux autres catégories, poursuit Joshua. Par exemple, il faut des catégories pour les fades et les rallonges, qui prennent plus de temps. Nous avons décidé d’opter pour un barème qui ressemble aux tailles des vêtements. »
Joshua souligne qu’il a été utile de prendre le temps d’analyser les besoins de la clientèle dans l’élaboration d’un barème non sexiste, et ç’a également aidé toute son équipe à mieux comprendre leurs clients.
« Quand nous avons créé les catégories, nous avons remarqué que certaines avaient moins de clients,
ce qui nous a indiqué de faire plus de marketing sur ces coupes-là. Par exemple, pour les coupes courtes aux ciseaux, je sais que bien des femmes vont encore dans un salon où les prix sont genrés et paient plus cher. Comme il nous faut moins de temps pour créer une coupe courte, ce qui rend le service moins cher, nous avons pris cela en compte dans notre plan de marketing pour attirer plus de femmes. »
Comme bien des propriétaires craignent de changer (ou d’augmenter) leurs prix, Joshua s’inquiétait de la façon dont les hommes réagiraient au nouveau barème. « Certains hommes sont habitués à payer moins cher pour les coupes, mais après avoir été informés sur le temps nécessaire ainsi que sur la manière et la raison pour lesquelles nous changions le barème, ils ont été très compréhensifs. »
Le barème non sexiste a également aidé le salon à mieux servir une plus grande partie de sa communauté.
« Notre salon étant situé dans le Village gai de Montréal, nous sommes entourés de nombreux types de personnes, y compris les personnes transgenres ou non binaires, donc notre barème attire beaucoup d’entre elles, révèle-t-il. Nous ne jugeons pas en fonction de ce qu’un client veut ; c’est son inspiration et ce qu’il recherche comme style qui comptent. »
Une consultation réussie
Lors des consultations, les paroles et les gestes sont importants. Voici quelques éléments à garder à l’esprit (et à éviter) lorsque vous offrez des consultations plus inclusives.
À FAIRE
Se présenter
Poser des questions sur l’historique de leurs cheveux et leurs préférences
Demander des photos comme références de coiffure
À NE PAS FAIRE
Supposer quels sont les pronoms ou les préférences de votre client
Poser des questions personnelles sur eux (ou leur affirmation)
Juger selon l’apparence physique, les stéréotypes de genre ou son opinion/ ses préjugés
Briser le moule
Bien qu’il continue d’y avoir un fossé entre les salons de coiffure et de barbier, de nouveaux espaces et studios offrant maintenant une expérience neutre sont apparus.
Daniela Perez et Nancy Haddad, copropriétaires du LES Studio à Toronto, qui a ouvert ses portes en juillet dernier, voulaient créer un espace plus inclusif.
« Nous avons décidé d’ouvrir un studio sans genre parce que nous avons eu des difficultés dans nos propres parcours en coiffure, raconte Nancy. La première fois que j’ai fait couper mes cheveux courts, c’était très libérateur, mais ça ne ressemblait pas exactement à ce que je voulais et il n’y avait pas beaucoup de gens qui pouvaient créer le genre de coiffure que je recherchais. »
Daniela dit que bien qu’elle ait toujours aimé un style plus féminin, comme elle aimait les undercuts, elle allait chez le barbier pour le undercut, et dans un salon pour la coupe. « C’est super important pour moi de trouver une personne ou un endroit où on sait qu’on va obtenir exactement ce qu’on veut. J’ai toujours eu l’impression de ne pas vraiment être à ma place lorsque je travaillais dans un salon de barbier ou de coiffure, alors j’ai voulu créer un lieu d’appartenance et d’acceptation pour tout le monde. »
Le LES Studio offre non seulement des prix basés sur la longueur et le temps, mais il emploie une équipe diversifiée de stylistes, de barbiers et de spécialistes.
« Le personnel est très ouvert et inclusif, représentant un éventail d’ethnies et d’expressions de genre, y compris des personnes non binaires et alliées, révèle Daniela. Il était important de pouvoir fournir à nos clients différentes compétences. Nous avons des gens spécialisés en coloration, en tresses rastas et autres, etc. Je me spécialise dans les cheveux bouclés et texturés et les shags, tandis que Nancy est davantage barbière.
« Si vous pouvez travailler les cheveux courts et longs, aussi bien ouvrir votre espace et promouvoir l’inclusion en facturant par longueur et non par sexe, ajoute Nancy. De cette façon, vous pouvez accueillir une variété de personnes, avec les compétences avec lesquelles vous êtes à l’aise. »
Bien que l’idée soit née des studios que Daniela et Nancy ont remarqués alors qu’elles vivaient et travaillaient
à New York, elles admettent qu’il était risqué d’ouvrir leur propre espace en pleine pandémie. « Au début, nous ne savions pas comment ça allait se passer. Ç’a déjà été fait à Toronto, mais c’est un concept plus récent, explique Daniela. Nous savions juste que notre projet de passion deviendrait quelque chose qui rendrait d’autres personnes heureuses et passionnées, et ç’a valu la peine.
Tout a commencé par bouche-à-oreille et maintenant nous sommes vraiment occupées. La pandémie a mis les choses en perspective pour beaucoup d’entre nous dans le sens où les gens acceptent davantage leurs cheveux, leur style et même leur sexualité. Donc, si les gens sont prêts à essayer différentes choses, et que vous facturez par longueur et non par sexe, vous leur donnez la liberté de s’exprimer un peu plus. »
CONSEIL DE PRO
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Façons d’offrir une expérience plus inclusive
- Mettre à jour le système de réservation pour permettre aux clients d’inclure le nom et les pronoms qu’ils ont choisis. En outre, offrez un titre de civilité non genré (Mx.).
- Créer des toilettes non genrées
- Intégrer des éléments de design d’intérieur non genrés
- Utiliser des produits aux parfums et emballages neutres
- Faire venir des éducateurs pour enseigner au personnel les pratiques et le langage inclusifs
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