Autrefois considéré comme l’épicentre de la COVID-19 au Canada, le Québec a commencé à rouvrir ses salons de coiffure en juin.
À Montréal, les salons ont été autorisés à rouvrir le 15 juin. Parmi eux se trouvait le Monokrome Salon, qui a commencé par une ouverture modérée pour s’assurer que son équipe était à l’aise avec les nouveaux changements.
Nous avons rencontré les copropriétaires du salon, Marek Whitechurch et Katia Jananji, pour en savoir plus sur leur expérience de la pandémie.
Parlez-nous de l’impact des nouveaux règlements de sécurité sur votre salon.
Marek Whitechurch : Il y avait cinq fauteuils et cinq stylistes à notre salon et nous tâchions d’obtenir autant de clients que possible. Mais maintenant, avec la distanciation sociale, il y a trois fauteuils et cinq employés. Nous avons dû ouvrir notre salon une journée de plus et travailler plus longtemps en gagnant moins, tout en essayant d’accommoder tout notre personnel afin que tout le monde obtienne quelques heures pour ses clients.
En raison de la distanciation sociale, le salon est beaucoup plus ouvert, de sorte qu’il semble plus vide et plus froid. En outre, nous avons enlevé notre salle d’attente.
Comment avez-vous ajusté vos rendez-vous pour vous assurer d’avoir suffisamment de temps pour respecter les nouveaux règlements tout en accueillant le plus grand nombre possible de clients ?
MW : C’est très structuré. Nous travaillons par quarts, donc Katia et moi travaillons deux jours plus longs — de 9 h 30 à 20 h — et le reste de notre personnel a des quarts plus courts. Nous prévoyons une heure et 15 minutes pour une coupe de femme et 45 minutes pour un homme, juste pour donner à notre équipe assez de temps pour tout faire et nettoyer. C’est une bonne transition et ça a très bien fonctionné. Tout le monde s’occupe de son propre poste. Les gens essuient constamment les choses de sorte que tout est propre. En tant qu’équipe, nous nous assurons tous que tout soit propre. C’est une bonne chose, surtout dans la zone des lavabos à l’arrière où [avant la COVID-19] il y avait des bols ou des pinceaux ; maintenant il faut les laver et les ranger. Il n’y a plus de vaisselle dans les éviers ni de tasses autour du salon. D’une certaine façon, cela nous a rendus plus efficaces.
Katia Jananji : Les stylistes ont déjà l’habitude de désinfecter leurs outils et de nettoyer leurs postes après les clients. Donc ce n’est pas vraiment nouveau, mais ils le font tout simplement plus maintenant.
Quelle incidence ces changements ont-ils eu sur votre service ?
MW : Nous avons toujours eu beaucoup de temps pour nos clients. Nous n’étions pas du genre à dire : « Il faut tout faire en 30 minutes ». Nous avons toujours laissé nos employés savoir combien de temps ils avaient avec un client, mais de ne pas se soucier du temps. Mais maintenant, les choses ont changé. Quand un styliste termine son quart de travail, et qu’un autre styliste arrive avec son client, il doit être prêt. Tout le monde doit être encore plus attentif au temps que jamais, de sorte que le client suivant ne se sente pas abandonné. Les stylistes doivent utiliser leur temps très stratégiquement pour finir dans les délais.
Comment ces changements ont-ils affecté l’expérience client ?
KJ : Le service a toujours été notre point de mire. C’était notre objectif principal : nous voulions que les clients se sentent chez eux. Nous avions une grande salle d’attente avec des livres et du café. Les gens venaient se détendre. C’est triste d’avoir dû réduire un grand nombre de nos services qui mettaient les gens à l’aise. Maintenant, quand les gens arrivent, je porte un masque, je leur demande de désinfecter leurs mains, et cetera. Mais assurer la sécurité de tout le monde est notre objectif principal : la nôtre, celle du personnel et celle des clients.
Nous espérons qu’il n’y aura pas de deuxième vague. S’il y a une deuxième vague arrive et qu’elle est moins grave, je pense que les choses vont revenir à la normale, et les services vont reprendre. En ce moment, nous nous concentrons sur un bon service tout en nous assurant que tout le monde est en sécurité.
Certains salons demandaient aux clients d’arriver avec les cheveux propres et secs, et n’offraient pas de shampoings lorsqu’ils ont rouvert leurs portes. Parlez-nous de l’approche de votre salon.
MW : En raison de la COVID-19, nous avons jugé qu’il était important de laver les cheveux parce que tout doit être propre. Lorsque vous vous lavez les cheveux, vous vous lavez aussi les mains, donc tout est propre et stérile. Si vous le faites vous-même, vous savez que vous le faites bien. Parfois, si un client se lave les cheveux, ils peuvent encore être gras, donc quand vous essayez de les couper, le résultat n’est pas aussi bon.
L’utilisation des séchoirs a été un autre débat houleux. Qu’est-ce que vous en pensez ?
MW : Lorsqu’on sèche les cheveux, ils sont propres puisqu’ils ont été lavés. Je ne vois pas le problème quant aux séchoirs. De plus, nous avons la climatisation et nous sommes au rez-de-chaussée, donc nous avons une porte sur la rue et une fenêtre ouverte.
Quels sont vos conseils pour améliorer l’expérience client ?
MW : Nous sommes déjà malheureux de ne pas pouvoir leur offrir des boissons ou l’ambiance chaleureuse d’autrefois. Nous essayons de faire tout ce que nous pouvons pendant le service pour qu’ils se sentent à l’aise. Je ne veux pas qu’ils sentent qu’on les bouscule, même si tout est planifié de façon stratégique. À mon avis, il faut toujours donner notre amour et notre soutien à nos amis et nos clients, parce que c’est ce que nous avons toujours fait.
KJ : Pour ma part, je me concentre sur les massages de la tête. Chaque fois que nous lavons les cheveux, nous tâchons de donner un massage un peu plus long.
MW : Afin qu’ils puissent se détendre et se débarrasser de leur anxiété. Ils se sentent encore dorlotés et pas comme s’ils se précipitaient au salon puis hors du salon.
Comment aidez-vous votre équipe à éviter de se sentir surchargée de travail ou surmenée ?
KJ : Il y a moins d’heures de travail et maintenant les stylistes ont des pauses déjeuner, ce qui est nouveau pour eux, car le port de l’équipement est nouveau, donc c’est important de faire des pauses. Pendant le traitement de la coloration d’un client, ils peuvent aller dehors ou à la salle de pause, ayant plus de temps pour respirer, se détendre, manger, et ainsi de suite.
MW : Comme ils portent un masque de six à dix heures par jour, il est important mentalement de faire une pause de 20 minutes pour aller dehors et prendre l’air, et juste respirer.
Quelles sont les choses qui vous ont surpris au sujet de toute cette expérience ?
MW : À quel point nous devons croire que nos clients nous disent la vérité [sur leur santé], et combien il est important de leur poser les bonnes questions — à propos de leurs symptômes, de leurs déplacements, et cetera.
KJ : Lorsque nous avons ouvert le salon, il était petit et nous voulions croître. Mais avec la pandémie de COVID-19, je suis contente que ce ne soit pas un grand salon de 30 fauteuils. Je pense qu’un petit salon avec une équipe forte est la voie à suivre en ce moment. J’ai entendu dire que certains propriétaires de salon paniquent parce qu’ils perdent du personnel ou beaucoup plus d’argent. Ça semble très difficile pour eux.
Quels ont été les commentaires des invités ?
MW : Dès qu’ils sont sur nos fauteuils, nous commençons à jaser et les choses sont un peu comme d’habitude. Nous leur parlons de la COVID-19, de son effet sur eux et sur nous. C’est intéressant parce que tout le monde a une histoire, qu’ils connaissent quelqu’un qui a eu la COVID-19, qui a perdu son emploi, etc. C’est très agréable de l’entendre et de ne pas se sentir si seul dans cette situation. Les gens sont ravis de nous voir, de faire corriger leur couleur et de se faire couper les cheveux. Ils se sentent plus confiants.
Les clients nous disent, à Katia et moi en tant que propriétaires d’entreprise, combien ils sont heureux de voir que le salon poursuit ses activités ; ils étaient inquiets pour nous, pensaient à nous, ce qui est agréable à entendre. On n’y pense pas. On pense que les clients viennent juste pour le service, mais si vous les coiffez depuis 10 à 15 ans, vous devenez amis et ils veulent que vous connaissiez le succès. Le salut du coude est différent ; il n’y a plus de baisers, d’embrassades, de poignées de main ou de high-fives. Nous attendons tous de pouvoir couper les cheveux le sourire au visage à nouveau, sans masque.
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